Catherine Guéguen, vous êtes pédiatre spécialisée dans la communication non violente.
Il y a quelques années, vous avez découvert les neurosciences affectives et sociales et cela a changé votre regard sur l’enfant. Dans votre livre «Pour une enfance heureuse », vous partagez vos découvertes avec les parents et les professionnels de l’enfance.
Que sont les neurosciences affectives et sociales et que nous apportent-elles ?
Depuis les années 70, en France de nombreuses études en neurosciences cognitives sont menées. Ces sciences s’appuient sur le fonctionnement du cerveau en analysant ses fonctions intellectuelles. Les neurosciences affectives et sociales sont apparues à la fin du 20ème siècle et elles se concentrent sur les mécanismes cérébraux induits par les émotions. En clair, elles démontrent ce qui se passe dans le cerveau quand nous sommes en relation avec les autres.
Avant, on ne savait pas que le cerveau avait aussi des fonctions émotives. Et aujourd’hui, de nombreux chercheurs dans le monde tentent de mêler ces deux sciences.
En quoi est-ce important de s’appuyer sur ces sciences pour accompagner l’éducation des enfants ?
Lorsque je reçois des parents en consultation, je leur demande ce qu’ils attendent et tous me répondent la même chose : ils ont envie d’être écoutés et compris. Chaque être humain sait intuitivement ce qui est bon pour lui et paradoxalement, nous ne le prenons pas en considération dans l’éducation des enfants.
Pendant très longtemps, nous avons cru qu’éduquer rimait avec dresser. Les neurosciences affectives et sociales nous aident à modifier notre représentation de l’être humain. Grâce à elles, nous savons aujourd’hui que le cerveau de l’enfant est immature, fragile et qu’en conséquence, il n’est pas en capacité de gérer ses émotions. Nous savons aussi que le comportement que nous avons avec l’enfant a un impact direct sur son cerveau. Notre rôle en tant qu’adulte est de le comprendre en faisant preuve de bienveillance et d’empathie pour aider ce cerveau à mûrir et se développer. L’environnement dans lequel évolue l’enfant est primordial. C’est pourquoi, les humiliations physiques et verbales sont néfastes au bon développement du cerveau. Je pense que le parent est un jardinier. Toute plante pour s’épanouir a besoin d’une bonne terre, de soleil et d’eau. Il est aussi essentiel pour un enfant d’évoluer dans un bon environnement, sinon il s’éteint.
Beaucoup d’adultes sont impuissants faces à certaines réactions d’enfants dites capricieuses ? Pourquoi les enfants réagissent-ils comme ça ?
Justement parce qu’ils sont immatures. Les neurosciences nous montrent que les enfants sont traversés par des tempêtes émotionnelles et qu’ils ne sont pas en capacité de les gérer. Ils ne le font pas exprès. Ils ne nous cherchent pas. Pour en faire un adulte, il faut environ 25 ans. Il nous faut être patient.
La bienveillance s’apprend et se transmet. Un enfant avec lequel on fait preuve d’empathie, deviendra lui-même empathique. La parentalité positive et bienveillante transforme le cerveau, c’est irréfutable. Mais attention, cela ne signifie pas qu’on doit laisser un enfant tout faire. La parentalité positive c’est aussi poser un cadre et des limites et c’est à l’adulte de le faire.
Auriez-vous des outils concrets qui permettraient d’aller vers une parentalité bienveillante ? Et quel rôle pourrait jouer notre société pour les accompagner ?
Je crois beaucoup en la communication non violente. Mon grand rêve serait que tous les enseignants soient formés. Ils pourraient ainsi être des modèles pour les enfants et aussi sensibiliser les parents aux bienfaits de l’éducation bienveillante.
D’ailleurs, tous les professionnels de l’enfance pourraient être ces modèles et ce dès la maternité. Ils pourraient jouer un rôle important pour accompagner les parents dans l’éducation de leurs enfants. Il ne faut pas rester seul pour élever un enfant. Quand on rencontre des difficultés, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à son entourage ou à des professionnels. Aujourd’hui, il existe de nombreux groupes de paroles en parentalité. Il est important aussi de mettre des mots sur ses propres émotions et d’en parler avec son enfant. La communication non violente s’apprend et se travaille.
90 minutes avec Catherine Guéguen
Simone-de-Beauvoir
Samedi 26 mai à 15h
Entrée libre